Evolution

Les débats autours des forces évolutives...

-->sommaire

Introduction


Divers concepts et leur ascendance...

Ce qui caractérise également le débat scientifique autours de l'évolution, c'est le type de force évolutive à qui incombe de diriger le phénomène. La question n'est pas fortuite, car si Darwin personnifie aujourd'hui à nos yeux le fondateur de l'évolution, ce n'est pas tant qu'il se soit rendu compte du phénomène évolutif, ce qu'il partage avec d'autres personnes ayant pressenti la même chose, mais bel et bien qu'il fut le premier à proposer un mécanisme cohérent permettant d'expliquer l'évolution. Nous allons voir maintenant rapidement en quoi les découvertes en biologie ont constamment réalimenté le débat autours des forces possibles façonnant l'évolution du monde vivant.

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La sélection naturelle et la sélection sexuelle


Petit lézard camouflé.

Ces deux types de sélections sont imputables à Darwin. La plus célèbre, la sélection naturelle, peut être définie comme un biais dans la possibilité de se reproduire et laisser des descendants lié à des caractéristiques de survie et de fécondité des organismes : si une quelquonque caractéristique aide l'individu qui la porte à survivre plus longtemps et à laisser ainsi relativement plus de descendants que des individus qui ne la possèdent pas, cette caractéristique sera sélectionnée : elle est mieux transmise au cours des générations et augmente en fréquence dans la population (par exemple, le camouflage du lézard ci-contre).

Cette force sélective, le véritable moteur de l'évolution, est notamment celle qui explique le mieux les adaptations. Elle a finalement remplacé assez rapidement l'explication précédente des adaptations, qui postulait qu'elles étaient le résultat d'un dessein divin ayant créé les choses pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce remplacement n'est pas difficile à expliquer : une grande partie des adaptations et des caractéristiques des organismes sont imparfaits. Cette imperfection est plus parcimonieusement expliquée par un tri dans une variation, c'est à dire la sélection naturelle.


Paon mâle.

Paon femelle.

Cependant, Darwin a également postulé l'existence d'un deuxième type de sélection, la sélection sexuelle, dans son deuxième grand essais sur l'évolution --« La filiation de l'homme ». Ce type de sélection fonctionne sur le même mode que la sélection naturelle : un tri parmi des caractères variants, mais cette fois ci le résultat n'est pas basé sur une différence de survie ou de fécondité, il est la conséquence d'une préférence dans le choix partenaires sexuels. Le choix d'un partenaire peut en effet favoriser les individus présentant des caractéristiques plus attractives, quelles qu'elles soient. Ces individus se reproduiront plus et le trait sera sélectionné. Cependant, contrairement à la sélection naturelle, la sélection sexuelle ne produit pas des adaptations mais au contraire peut produire des caractéristiques handicapantes. En témoigne les plumages criants et colorés des mâles de certains oiseaux, l'exemple classique en est le paon (non seulement pour ses couleurs, mais également pour l'extravagance de sa queue) : ce n'est pas pratique dés qu'il s'agit d'échapper aux prédateurs... Mais en ce qui concerne les oiseaux, cela permet aux femelles de s'assurer aussi de la qualité du mâle qu'elles choisissent (il est attirant _et_ a réussit à échapper aux prédateurs).

La force de la sélection naturelle pour expliquer les adaptations, sa puissance à rendre compte de la diversité des espèces et de leur biogéographie, ainsi que l'idée d'une terre ancienne et d'un âge probablement sous-estimé conduisent les contemporains de Darwin à accepter sa théorie, si séduisante et si finement argumentée et illustrée d'exemples détaillés. La sélection sexuelle ne sera en revanche que peu acceptée dans l'immédiat. Elle est à l'origine d'un différent entre Wallace et Darwin, car Wallace la refuse. En fait, la sélection sexuelle ne sera jamais véritablement considérée à sa juste valeur, jusqu'à ce que la science écologique moderne la remette au goût du jour.

L'idée de la sélection naturelle fait donc rapidement figure de force évolutive sur laquelle se base l'évolution, en dépit de Darwin qui sera plus ouvert à l'influence d'autres forces, comme la sélection sexuelle. Avec elle s'impose une autre idée : celle du gradualisme. L'évolution sera considérée comme un phénomène progressif et continu. Cependant, la sélection naturelle n'expliquait pas l'existence de la variation dans la nature, et au contraire, elle avait plutôt tendance à la réduire. Il restait donc à comprendre et expliquer la source des variations...

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La mutation


Ficaire type sauvage.

La résurrection des travaux de Mendel, et la multiplication des études révélant une hérédité mendélienne, particulaire des traits observés chez les organismes, liée à la montée en puissance du concept de mutation (idée associée à un changement novateur et à la spéciation sous l'impulsion de De Vries, puis à la création de nouveaux allèles avec la génétique naissante) lance le débat de savoir quelle est la force évolutive réelle au cours de l'évolution. L'accent est mis sur ces modifications héréditaires brutale, avec l'idée du « monstre prometteur » ainsi que celle d'une évolution par sauts.


Ficaire forme mutante.

La sélection naturelle tends à passer au second plan avec l'irruption de la génétique, reléguée aux scientifiques naturalistes, et semble ne pas faire le poids devant une science plus expérimentale. Les arguments allèrent donc bon train. Finalement un compromis se dégagea avec la Théorie Synthétique : l'hérédité est mendélienne, et le devenir des gènes se joue avec la sélection naturelle darwinienne. En effet, si la mutation permet d'expliquer la variation naturelle et son apparition, elle est une théorie qui n'explique pas les adaptations.

Aujourd'hui, les deux forces sont considérées comme indispensables : la mutation crée la variation et enrichi le pool génique de nouveaux variants, tandis que la sélection naturelle fait le tri dans cette variation pour n'en retenir que celle qui permet le mieux aux organismes de survivre et se reproduire.

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La dérive et le neutralisme


Une zygène tachetée.

Une troisième force évolutive voit le jour avec la prise de conscience que dans des petites populations, les mutations bénéfiques peuvent être perdues (ou au contraire, les mutation délétères être fixées) par le simple effet du hasard. Ce concept est appelé dérive, et si son effet est le plus fort pour les petites populations, il se produit tout aussi bien pour les plus grandes. Il s'agit typiquement du biais d'échantillonnage lié à des effectifs finis. La dérive est une force qui fait fluctuer aléatoirement les proportions des différents allèles dans les populations. On sait qu'elle est non-négligeable depuis que l'on sait chiffrer la diversité des formes allèliques au niveau moléculaire, même si elle estbien évidemment susceptible de modifier les caractéristiques visibles des organismes (par exemple, on peut facilement envisager que le nombre de points sur les ailes de cette Zygène peut très bien ne pas être lié à un avantage sélectif mais à la fixation de ce caractère par dérive au cours de son histoire évolutive... Même s'il s'agit ici juste d'un exemple, et que cela n'ait pas été démontré).

En effet, son étude (dûmoins son appréciation à un niveau empirique) a été permise grâce à une amélioration technique fondamentale : l'électrophorèse. Le principe de cette technique consiste à faire migrer sur un gel des protéines, dont les variants peuvent avoir des profils de migration différents. La mise en application de cette technique à des études de population et de génétique est due à Lewontin dans les années 1960. Elle a permis notamment de mettre en évidence une diversité génétique longtemps sous-estimée. En effet, la pensée dominante à cette époque considérait que le polymorphisme des gènes devait être faible, en raison de la sélection qui devait nécessairement homogénéiser les pools géniques. On s'aperçut donc que ce n'était pas le cas, mais que de nombreux allèles coexistaient dans les populations naturelles. Les débats ont été houleux quant à trouver une explication à ces résultats. Notamment, la sélection naturelle a de nouveau perdu son rang de force évolutive privilégiée aux yeux de certains. Il a même été proposé qu'elle ne joue en fait aucun rôle et que les changements se produisent au hasard. C'est ce qui est arrivé à certains partisans de la théorie neutraliste...

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La théorie neutraliste de l'évolution (moléculaire)

La théorie neutraliste de l'évolution n'a été que peu de temps opposée au darwinisme. Elle postule que l'évolution des polymorphismes, notamment ceux que la biologie moléculaire naissante permettait d'observer (les différentes formes d'une protéine quand on regarde sa charge globale dans un champs électrique par migration sur gel, la taille de différents éléments de l'ADN), se fait par fixation aléatoire de l'un d'entre eux, dans une compétition sans sélection avec les nouvelles mutations qui apparaissent. Les populations plus ou moins isolées dérivent ainsi les unes des autres en fixant différentes formes (allèles) considérées comme neutres vis à vis de l'individu porteur.

Cette théorie est en fait un modèle explicatif de la diversité rencontrée au niveau moléculaire et l'hypothèse de neutralité sélective ne constitue pas une négation de la sélection naturelle à d'autres niveaux ainsi qu'il est parfois tentant de croire et comme cette théorie est parfois présentée. La théorie neutraliste de l'évolution moléculaire est actuellement un pan entier de la théorie synthétique de l'évolution.

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Les avatars modernes de ce débat

Aujourd'hui encore, la sélection naturelle voit son rôle disputé parfois par certains de façon vigoureuse. S'il existe de fortes vélléités à s'y opposer, c'est que cette force évolutive joue malgré tout un rôle considérable dans l'évolution, en dépit de chacune des objections qu'on lui a opposé depuis Darwin. Elle a survécu au mutationisme, à l'irruption du concept de dérive et de la théorie neutraliste. Mais elle doit aussi faire face à de nouveau défis :


Conclusion :

Le débat sur l'hérédité a donc poussé vers celui sur le rôle respectif des différentes forces évolutives. Si il a pu être défendu que certaines ont un rôle prépondérant sur les autres, ce n'est aujourd'hui plus vraiment le cas : chacune des forces évolutives a son propre rôle dans l'évolution de la vie, même si la tradition veut que la sélection naturelle ait une préférence qui s'impose. Cela est dû au fait qu'il s'agit de la force qui explique le mieux les adaptations, qui restent un fait marquant majeur de l'évolution. Evidemment, la mutation est également extrèmement importante en tant que force génératrice de diversité, tandis que la dérive ou la sélection sexuelle interviennent localement de façon non-négligeable. Les rôles des contraintes et du développement restent à évaluer et il s'agit bien sûr d'un enjeu majeur de la biologie évolutionniste actuelle. L'idée du gradualisme contre celles de ses oppositions saltationnistes prennent un nouveau tour de piste, de façon récurrente, mais il s'agit également de débats qui ne sont pas clos et il reste encore beaucoup à faire... Quoiqu'il en soit, il reste du pain sur la planche, et les débats ne s'arrêteront pas de sitôt. Cependant, à ce jour, l'évolution a encore de beaux jours devant elle, contrairement à ce que peuvent croire certains.

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Copyright © Laurent Penet 2006.