SOMMAIRE
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
Le dilemme des banques de gènes
Les collections 'noyau'
La conservation dynamique des ressources génétiques
La conservation 'on farm': une gestion dynamique intégrée des ressources génétiques
Les marqueurs moléculaires: un outil qui ouvre des perspectives...
Des marqueurs hypervariables...
Le Manioc:
Le problème de l'origine: du nouveau...
Les ressources génétiques de la plante
Les outils d'amélioration et de valorisation se développent...
Sondage des ressources génétiques de l'espèce
La question de la gestion paysanne: rôle des repousses spontanées dans l'entretien de la variabilité des cultivars traditionnels
MATERIEL ET METHODES
Matériel végétal
Les variétés
Les repousses
Protocoles expérimentaux
Les locus microsatellites utilisés
Analyses statistiques
Polymorphisme des microsatellites
Structuration des populations
Distances génétiques entre les populations
Analyses statistiques
Analyses en Composantes Principales
Analyses de variance
RESULTATS
Fréquences allèliques
Polymorphisme des microsatellites
Structuration des variétés et des populations repousses
Cas des variétés
Cas des populations de repousses
Calculs des rst
Distance entre variétés (et populations de repousse):
Cas de l'arbre des distances de Nei (figure 11):
Cas de l'arbre des distances de Cavalli-Sforza (figure 12):
Analyse en composantes principales
Anova sur la participation à la reproduction
DISCUSSION
CONCLUSION
PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
La disparition des variétés anciennes au profit de cultivars améliorés, communément appelée " érosion génétique ", est un phénomène relativement récent dans nos agricultures. Les conditions modernes de production se développant, cette perte de matériel utilisable pour l'amélioration génétique des plantes est devenu une préoccupation internationale, en particulier à la suite de l'épidémie d'helminthosporiose sur le Maïs aux Etats-Unis en 1970, où l'utilisation d'un pool génétique trop restreint (l'utilisation systématique d'une seule stérilité mâle dans les programmes de sélection) a préparé un terrain favorable au développement de la maladie. Cette histoire a sans doute rappelé l'épidémie de Mildiou de 1870. Pour remédier à l'érosion génétique, la principale réponse a été la mise en place de banques de gènes, où sont conservés des échantillons de semences. La multiplication de ces collections a fini par poser la question de l'évaluation génétique et agronomique du matériel, de la mise au point d'un langage commun (via les descripteurs) en vue de favoriser la coopération nécessaire à la gestion de ces collections, et de la maintenance du matériel conservé.
Les banques de gènes, si elles offrent une opportunité réelle de conservation des ressources génétiques, présentent toutefois deux défauts:
- un grand nombre d'accessions (échantillons), d'origines et de qualités diverses, qui sont en général peu évaluées ce qui est finalement un frein à leur utilisation et leur valorisation.
- leur maintien et leur réjuvénation (multiplication et renouvellement des lots) se fait avec d'importants risques de dérive et de manière éloignée des conditions naturelles de leur origine. Les lots régénérés peuvent fixer des mutations délétères par le simple fait du hasard, ce qui peut nuire considérablement au matériel conservé en collection (Schoen et al, 1998).
Chacun de ces défaut a ouvert un nouveau thème de recherche, à savoir d'une part celui de la mise au point de collections réduites mais conservant le plus de diversité ('core collection' ou collections noyau) ; d'autre part une gestion des ressources en champs (gestion dynamique), à laquelle se joint désormais celle de la conservation " on farm " (gestion par les agriculteurs des ressources génétiques).
Le problème de la valorisation des ressources conservées a orienté la question sur la mise en place de collections 'noyau', représentatives de la diversité des accessions conservées (Brown, 1989).Toute la question relevait des stratégies d'échantillonnage permettant de garantir cette diversité optimale. Cette approche peut se faire sur la base de la diversité donnée par les marqueurs moléculaires (Schoen & Brown, 1993). Certaines stratégies -comme la stratégie " Marker allele richness " (qui cherche à minimiser la probabilité de perdre un allèle sachant que telle accession est retenue pour la core)- sont alors très efficaces pour conserver les allèles géographiquement localisés, qui sont les plus facilement sujet à perte. Il existe également d'autres méthodes qui s'avèrent tout aussi efficaces chez certaines plantes. C'est le cas pour le ray-grass par exemple, dont les populations naturelles montrent une structuration génétique sur des distances de 120 km, vraisemblablement due au phénomène d'isolation par la distance. Dans ce cas, une méthode basée sur les caractères agronomiques et les contraintes de contiguïté géographique offre de bons résultats pour l'établissement d'une core collection (Charmet & Balfourier, 1995). Quand l'utilisation des marqueurs moléculaires est une contrainte (collections des pays en voie de développement), la réalisation d'une core collection peut s'établir sur la base des données agronomiques et des caractères quantitatifs (Hamon & Noirot) en réalisant des analyses en composante principale et en privilégiant la conservation des individus " périphériques ". La variabilité retenue est supposée permettre la régénération des individus " moyens " plus facilement que dans la situation inverse, en dépit de l'absence totale d'information sur l'héritabilité des caractères retenus pour établir la collection noyau.
La mise en oeuvre de ces collections s'est produite en parallèle avec une réflexion sur la conduite d'une conservation moins 'artificielle' des ressources végétales:
La multiplication des semences en dehors des conditions d'origine pose aussi un problème de taille en terme de 'conservation'. Elle néglige en effet l'influence de la sélection naturelle dans le façonnement du matériel végétal -en particulier de la pression exercée par les pathogènes, au profit de la dérive. En effet, comment maintenir en collection la résistance aux maladies et aux parasites en l'absence de toute contrainte de sélection? La question est identique en ce qui concerne l'adaptation aux facteurs abiotiques, et ce d'autant plus que la régénération des lots de semence ne s'effectue pas dans le milieu dont elles sont issues.
Pour y remédier, des expérimentations sur la gestion dynamique des ressources génétiques (matériel conservé en culture de plein champs) ont été lancées. L'intérêt est la recherche d'une " coadaptation " du matériel végétal au milieu de culture (Olivieri et al, 1992). Les mêmes pools génétiques initiaux se différencient lorsqu'ils sont cultivés dans des régions différentes (David et al, 1992, pour un exemple de conservation dynamique du blé).
Le thème de recherche " gestion dynamique " est à la frontière entre la gestion des ressources génétiques et l'écologie des populations ; il bénéficie des apports théoriques du domaine des métapopulations (au sens large: ensemble de populations connectées entre elles par des flux migratoires ; voir Hanski, 1998, pour une revue) et profite de la réflexion sur le rôle joué par la migration entre les populations, notamment la réduction des effets de la dérive qui peut fixer des allèles délétères (Varvio et al, 1986). Le problème est parfois de rendre cette migration 'efficace' en matière de génétique, c'est à dire de permettre l'enrichissement allèlique à travers la recombinaison au sein de la population (Entjalbert et al, 1998).
La conservation dynamique des ressources génétiques, permettant une structuration nette des populations est également un moyen de maintenir une variabilité sur des caractères quantitatifs, sous l'hypothèse d'une réduction des échanges génétiques par l'isolation par la distance (Goldstein et al, 1992). L'isolation par la distance n'est d'ailleurs pas le seul facteur augmentant la variance sur la population totale: la variance est accrue en combinaison avec la 'redondance génétique' (un phénotype couvre différents génotypes, ce qui est fréquent pour les caractères quantitatifs, en particulier lorsque l'effet additif est fort).
La conservation dynamique apparaît donc comme un modèle pertinent de gestion de la diversité génétique, dans la mesure où elle permet une adaptation locale du matériel végétal (due à la sélection naturelle) ainsi qu'elle remédie à l'influence potentiellement négative de la dérive. Elle est bien complémentaire de la conservation en banque de gènes. La conservation en banque permet l'accès des échantillons aux sélectionneurs, et en ce sens, seuls les échantillons collectés peuvent être valorisés. La connexion banque de gènes / conservation 'dynamique' est donc indispensable en vue de leur valorisation (figure 1).
<--En matière de conservation dynamique, les généticiens ont été devancés depuis longtemps: les agricultures traditionnelles sont des systèmes de conservation dynamique d'une grande performance. En effet, les variétés traditionnelles résultent d'un travail de sélection, de tri, et surtout de maintien de la diversité génétique. Ce rôle est d'ailleurs reconnu de manière latente dans les déclarations officielles concernant la gestion des ressources génétiques:
" [...l'Etat,] Sous réserve des dispositions de sa législation nationale, respecte, préserve et maintient les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique et en favorise l'application sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourage le partage équitable des avantages découlant de l'utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques; " (alinéa j de l'article 8 de la Convention sur la diversité biologique, Rio, 1992).
Ce rôle a été principalement reconnu pour les connaissances empiriques sur les plantes, mais il peut tout aussi bien s'étendre à l'entretien de la diversité génétique des variétés traditionnelles et des plantes sauvages apparentées aux plantes cultivées.
L'impact des pratiques paysannes sur la diversité génétique est peu documenté. L'évidence de son rôle concernant la variabilité sélectionnée de manière consciente est de taille, que ce soit pour le syndrome de domestication, très étudié chez les céréales (absence d'égrainage à maturité, taille des grains, morphologie de l'épi et protection des grains...), ou pour d'autres caractères liés au mode de culture ; les caractères touchés sont nombreux, mais à titre d'exemple on peut donner le cas du Manioc au Congo, dont il existe deux grands groupes: le groupe " port érigé ", caractéristique des savanes et des cultures associées, et le groupe " rampant/ramifié " retrouvé dans les zones forestières où le manioc représente la quasi totalité de l'alimentation (Mingui et al, 1992).
Les modifications n'affectent pas seulement l'architecture ou bien les caractères de fructification, mais aussi la précocité, pour que le cycle de culture réponde aux impératifs de production et du milieu. Par exemple, Jacob (1996) a montré l'existence d'une telle évolution chez les cultivars locaux du Maïs au Burkina Faso. Les cultivars 'de case' (cultivés en jardin prés des habitations par les femmes) sont précoces et récoltés en période de soudure (fin des réserves et avant la période des récoltes), et les cultivars 'de champs', assurant la récolte principale, sont plus tardifs. Les cultivars de case ont une diversité génétique plus réduite ainsi qu'une plus forte homozygotie, vraisemblablement du fait de flux de gènes plus restreints et cela en raison de la territorialisation des cultures. Cette différence étant le fait des pratiques paysannes.
Très souvent, il existe également une sélection plus ou moins consciente à forte connotation culturelle. Cette connotation culturelle est vraisemblablement un argument pour justifier la préférence des cultivars locaux et leur maintien en culture dans des systèmes semi intensifs de production, comme l'a signalé Brush (1995). Il faut signaler également que lorsque la gestion des ressources génétiques est réalisée par les agriculteurs eux même, la sélection porte sur des caractéristiques qui n'entrent pas dans les critères modernes d'amélioration (Brush, 1991). A titre d'exemple on peut citer la coloration des tubercules de Manioc, jaune pour les variétés à bière, blanc pour les variétés à farine (Boster, 1984a). Mais cette sélection est parfois déconnectée de cet aspect utilitaire et intervient dans la distinction par les agriculteurs de leurs variétés, sachant que dans les systèmes traditionnels, il leur incombe d'en gérer un nombre important (en ce qui concerne le Manioc, chaque famille en gère entre dix et vingt variétés, pour une centaine de variété dans un village - Boster, 1984a ; Elias et al, soumis). Ce phénomène a été appelé 'Selection for Perceptual Distinctiveness' par Boster (1985). Les caractères touchés par cette sélection pour la différenciation sont généralement des caractères qualitatifs (qui permettent de classifier les individus de manière assez catégorique). Chez le Manioc, ces caractères touchent surtout les feuilles (forme, couleur, folioles...), l'architecture de la plante, et les tubercules (forme -voir figure 2, couleur de la chair). L'existence de ces critères de reconnaissance ne garantit cependant pas toujours une identification précise des variétés. Les confusions sont en effet possibles, soit parce que des agriculteurs mettent sous le même nom des variétés différentes, soit au contraire classent sous des noms différent une même variété. La distinction des variétés existantes est un trait important pour l'adoption d'un nouvelle variété. La variété est effectivement adoptée si elle réalise les deux qualités suivantes: 1° être suffisamment différente des autres variétés cultivées, 2° présenter des caractères agronomiques justifiant sa conservation, c'est à dire en général un rendement jugé intéressant et/ou une amélioration de sa qualité (l'adoption de nouvelles variétés étant de même un trait culturel à forte variance individuelle, même si l'expérimentation et le goût de la nouveauté est un trait essentiel aux agricultures traditionnelles).
La 'Selection for Perceptual Distinctiveness' est donc également combinée avec une sélection sur les caractères quantitatifs, ce qui conduit généralement à retenir des déséquilibres de liaison avec d'autres caractères (agronomiques) conséquemment à cette sélection humaine. Cette sélection entretient un polymorphisme sur des caractères qualitatifs, mais elle est un phénomène primordial dans la gestion in situ, dans la mesure où elle entraîne une structuration de la variabilité génétique totale des variétés au niveau local, et permet d'assurer aussi le maintien d'un polymorphisme au niveau des caractères quantitatifs. Ces déséquilibres de liaison entretenus par sélection sont d'autant plus fort que la plante offre par sa biologie reproductive (autogamie) ou végétative (clonage par bouturage ou plantation de tubercule) l'opportunité d'échapper à l'influence homogénéisante de la panmixie. Cette vision de la création variétale des systèmes traditionnels est particulièrement intéressante pour le cas des plantes à multiplication végétative, qui permettent de fixer instantanément une combinaison de caractères créés lors d'un cycle de reproduction sexuée.
Chez l'Igname, la sélection humaine a bien porté sur des critères morphologiques de la partie aérienne de la plante, en tant que marqueurs de ceux du tubercule (Hamon et al, 1992). Cette étude donne une discussion approfondie des étapes vraisemblables dans la domestication des plantes à multiplication végétative, de l'exploitation de la reproduction conforme au tri à partir des cycles sexués des marqueurs phénotypiques qui aboutiront aux déséquilibres de liaisons distinguant les variétés. Ce processus joue donc un rôle important dans la domestication de ces plantes, ainsi que dans la 'formalisation' phénotypique des variétés.
La gestion des variétés traditionnelles offre donc un bel exemple de gestion dynamique des ressources génétiques, soumise à des influences multiples dont il faudrait étudier l'impact sur le plan génétique. La gestion paysanne des variétés traditionnelles ouvre un champs scientifique nouveau. Il importe donc d'étudier les facteurs ayant contribué à l'éclatement (et la structuration progressive) d'un pool génétique large en variétés caractérisées par leur diversité tout au moins phénotypique, ainsi que ceux de la dynamique du maintien de cette diversité.
Ces recherches bénéficient de l'expansion relativement récente des outils de marquage moléculaire progressivement venus à la disposition des généticiens pour l'étude des génomes et des populations. C'est en effet l'innovation apportée à ces techniques de marquage qui a permis d'affiner la précision des structures génétiques:
<--Le développement de la biologie moléculaire et l'étude fine des génomes a permis le développement d'outils adaptés aux études de génétique. Les marqueurs les plus anciens, les isozymes, présentent le défaut de n'être pas toujours suffisamment polymorphes pour permettre l'étude des populations. Les marqueurs nucléaires, dont le nombre va croissant (des RFLP, AFLP, RAPD, aux microsatellites et récents SNP) ont finit par faire un large consensus en matière de génétique, en fonction de leurs avantages respectifs (tableau 1a). Bien que perçus initialement comme un outil ouvrant des perspectives dans l'amélioration des plantes (pour les marqueurs localisés) (Lefort-Buson et al, 1990a et 1990b), via la cartographie et la détection des QTL, les marqueurs ont aussi trouvé utilisation pour toutes les études de génétique des populations et d'écologie concernées par leur mise en oeuvre, dont la génétique de la conservation et la recherche sur les ressources génétiques (Haig, 1998, pour une revue). Parmi les marqueurs moléculaires, les microsatellites sont aujourd'hui très utilisés parce que présentant certains avantages spécifiques (tableau 1b), notamment leur facilité d'emploi une fois que les amorces leurs donnant naissance ont été définies, leur polymorphisme élevé, leur co-dominance et leur hérédité mendélienne.
Découverts vers la fin des années 80, leur utilisation comme marqueurs moléculaires a assez vite été suggérée (Ashley & Dow, 1994), et leur emploi s'est par la suite répandu. Cependant, certaines questions d'ordre moléculaire restent posées à leur égard, notamment leur processus de mutation et ses conséquences pour les estimateurs utilisés en génétique des populations (Jarne & Lagoda, 1996, pour une revue). En effet, leur taux de mutation est important au regard des autres marqueurs (jusqu'à 10-3 contre 10-6 le taux de mutation moyen pour les marqueurs conventionnels), bien que la littérature fasse cas de taux parfois plus bas (Schug et al, 1997, pour exemple). Il apparaît que ce taux soit plus élevé du simple fait que les mécanismes impliqués dans la création du polymorphisme sont différents: alors que ce sont les substitutions de base et les événements d'insertion/délétion qui interviennent principalement dans le polymorphisme RFLP, la mutation des microsatellites provient vraisemblablement du dérapage de la polymérase au cours de la réplication, et peut être aussi événements de recombinaison. Il existe aussi à l'heure actuelle un débat autour du polymorphisme attendu au regard de la taille des microsatellites. Plusieurs études de diversité des microsatellites, chez Arabidopsis (Innan et al, 1997) ou chez le Riz (Yang et al, 1994) ont permis de constater une relation linéaire entre le nombre de répétitions et le nombre d'allèles rencontrés (Voir figure 3). D'autres ne permettent pas de trouver cette corrélation entre la moyenne et la variance pour la taille de l'allèle (Valdes et al, 1993).
Néanmoins, l'utilisation des microsatellites est sujette à précaution en matière d'étude de polymorphisme dans les populations. La majorité des autres marqueurs répondent à l'hypothèse de " l'Infinite Allele Model ", qui postule que la mutation fait apparaître dans les populations des nouveaux allèles indépendants des allèles parentaux. Or pour les processus de mutation invoqués avec les microsatellites, notamment l'incrémentation/décrémentation des répétitions par dérapage de la polymérase, crée des allèles dépendants des allèles parents pour la taille. Si l'on tient compte à la fois de ce phénomène et de leur haute mutabilité, deux allèles perçus comme identiques peuvent provenir d'événements mutationnels tout à fait différents et ne pas être 'identiques par descendance', phénomène appelé homoplasie dont il résulte une perte d'information. Les microsatellites répondent donc peut être plus au 'Stepwise Mutationnal Model', qui tient compte de l'état des allèles parents donnant naissance aux nouveaux allèles (Jarne & Lagoda, 1996). Cependant, aucun de ces deux modèles théorique ne semble réellement remporter le consensus, et l'on trouve aussi bien des études validant le SMM (MacHugh et al, 1994, par exemple, chez les élevages bovins, Awadala & Ritland, 1997, chez les plantes du complexe d'espèces Mimulus guttatus) que d'autres concluant à la meilleure fiabilité de l'IAM (Estoup et al, 1995, chez les abeilles).
Du fait de leur polymorphisme, les microsatellites restent des marqueurs privilégiés pour l'étude des populations, notamment pour l'augmentation de puissance de résolution qu'ils procurent: Estoup et al, 1998, par exemple, ont pu mettre en évidence des déséquilibres de liaison au niveau microgéographique avec des microsatellites chez la Truite, alors que les données isoenzymatiques ne le permettaient pas. De ce fait, la tendance est à la recherche de nouveaux estimateurs moins biaisés pour l'analyse des données microsatellites:
FST est estimé par q (Weir & Cockerham, 1984),
RST est estimé par FST (rapport de variance de la taille [variance entre populations / variance totale]) (Michalakis & Excoffier, 1995).
RST est l'analogue pour le modèle SMM du FST basé sur l'IAM ; il tient compte de la variation de taille des allèles (Slatkin, 1995).
Le Manioc (Manihot esculenta, Crantz) est une plante alimentaire de la famille des Euphorbiacées essentielle pour une grande partie des habitants de la zone équatoriale, et de la zone tropicale. Les renseignements généraux concernant le Manioc sont consignés dans le (encadré 1).
L'histoire de la domestication reste à élucider ; toutefois, les données moléculaires AFLP (Roa et al, 1997) obtenues à partir des accessions d'espèces sauvages en collection confirment le lien de parenté phylogénétique, attribué à M. esculenta ssp flabellifolia (Allem, 1994, pour une revue de botanique).
Les arguments génétiques s'accumulent d'ailleurs en faveur d'un scénario de domestication unique. D'après une étude réalisée sur des variétés cultivées d'origines différentes, le polymorphisme de séquence du gène G3pdh des cultivars analysés est un sous ensemble du polymorphisme de M. esculenta flabellifolia, et les haplotypes rencontrés sont différenciés entre les espèces (Olsen & Schaal, 1999). Ce résultat se retrouve dans l'analyse génétique par AFLP de variétés d'un village du Guyana et de formes sauvages M. esculenta ssp flabellifolia de la core-collection mondiale du Manioc, qui se regroupent indépendamment sur la base de ces marqueurs (Elias et al, soumis). Le Manioc cultivé semble donc s'être différencié à partir du pool génétique de la sous-espèce flabellifolia. Sur les données de séquence obtenues (Olsen & Schaal, 1999), les introgressions interspécifiques (entre M. esculenta ssp flabellifolia et M. pruinosa, morphologiquement très proches) semblent très rares et ne concernent que trois haplotypes sur les 28 séquencés. Ce résultat est intéressant dans le cadre de la conservation des ressources génétiques, les espèces du genre Manihot étant d'une manière générale interfertiles (à des degrés divers), et parfois utilisées en matière d'amélioration (Bueno, 1985). Les espèces apparentées sont donc un matériel exotique de choix (dans son acceptation génétique) qui pourrait jouer un grand rôle en matière de sélection. Mais en terme de commodité d'utilisation (possibilité d'introgression), le pool 'primaire' duquel a été tiré la variabilité retrouvée chez M. esculenta ssp esculenta reste une source primordiale d'éventuels gènes d'intérêts.
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Les études de génétique et de cartographie moléculaire commencent à peine sur le Manioc, probablement en raison de sa 'secondarité' en terme d'importance économique et de sa complexité génomique: le Manioc provient en effet d'un complexe d'espèces allotétraploïdes segmentaires. Une part du génome est composée de chromosomes homéologues, le reste se comportant sur le mode 'diploïde'. Une carte génétique a été établie récemment sur la base de divers marqueurs (Fregene, 1996) ; elle offre 20 groupes de liaison, alors que le nombre chromosomiques de base de l'espèce est 18. Cette carte génétique est de 931,6 cM, et représente prés de 60 % du génome de la plante, d'après l'estimation faite par les auteurs. Toute la difficulté réside dans l'impossibilité d'obtenir des lignées pures pouvant être utilisées comme parents du fait de la forte dépression de consanguinité chez la plante. Ce travail permet de passer aux méthodes de sélection assistée par marqueurs et de détection de QTL.
En ce qui concerne les ressources génétiques du Manioc, les accessions sont conservées par multiplication végétative, le Manioc étant qualifié de plante " non orthodoxe " pour la conservation des graines, toutes les variétés n'ayant pas une bonne fructification de surcroît. Les critères de mise en collection tiennent compte de l'origine des échantillons, et les descripteurs botaniques jouent également un grand rôle. Cependant, les études de marqueurs AFLP sur ces collections ont permis de montrer que l'information obtenue sur ces seuls critères est insuffisante et ne permet pas de donner une image suffisante de la totalité de la variabilité de la plante, en raison de l'apparente identité phénotypique de clones différents, ou au contraire de la grande proximité génétique de clones différants sur les critères botaniques utilisés (Colombo et al, 1998). Malgré les duplications dans les collections, en dépit également de ce dont peut bénéficier le Manioc en matière de biotechnologies et de 'sanitation' (le Manioc est 'orthodoxe' sur ce plan, Plucknett et al, 1990), les risques de perte de matériels sont importants. De plus cette méthode de conservation, est ouverte à d'autres risques, comme l'accumulation de mutations au cours des cycles de multiplication végétative.
En outre, l'approche moléculaire de l'analyse de la variabilité génétique du Genre a bien sûr suscité des questions concernant le rôle que pouvaient jouer les espèces proches, avec l'idée de l'augmentation des ressources utilisables (Second et al, 1997). Mais dans cette étude, c'est surtout l'observation d'une variabilité génotypique intravariétale dans une variété traditionnelle amazonienne qui a soulevé la question de la reproduction sexuée et débouché sur l'idée d'une gestion dynamique du Manioc. Le lien fait par ces auteurs avec l'intégration de repousses issues de graines est confirmée par des études ethnobotaniques (Emperaire et al, 1997 ; Boster, 1984b): l'intégration des repousses est une pratique effective des agriculteurs de tout le bassin amazonien. On peut donc s'interroger sur le rôle que joue l'intégration de ces repousses dans l'évolution de la diversité génétique des variétés traditionnelles.
L'analyse des variétés traditionnelles au sein d'un village à l'aide d'AFLP est venu confirmer cette diversité de génotypes, certaines variétés n'étant visiblement pas monoclonales mais bien constituée de génotypes distincts (Elias et al, 1998).
C'est suite à ces résultats qu'a été envisagé l'étude des variétés et des repousses à l'aide de marqueurs microsatellites.
Le village a été choisi pour sa représentativité du mode cultural 'traditionnel'. Il s'agit du village indien de Rewal, au Guyana, où le Manioc est la culture principale (pour une description complète de l'itinéraire cultural et de l'importance culturelle du Manioc chez les indiens Makushi, Elias et Rival, soumis). La culture s'effectue sur un cycle de deux années. La première année correspond au défrichage du champs (défrichage + brûlis + plantation, voir figure 4) ainsi qu'à une première récolte, suivie la deuxième année d'une deuxième plantation et d'une deuxième récolte. Chaque plantation se fait par des boutures prélevées de quelques individus du cycle précédent, réunis en fagots juste après la récolte (voir figure 5). Cette étape représente un goulot d'étranglement, avec un effet fondateur important du fait du faible nombre d'individus qui servent à préparer les boutures qui donneront les individus de la génération suivante.
Pourtant, la variabilité génétique intravariétale est parfois très marquée chez certaines variétés avec la présence de génotypes distincts. Une des explications avancée pour cela est le rôle de l'échange de boutures lorsqu'elles viennent à manquer lors de la plantation. C'est en effet une pratique répandue, même si elle est surtout le fait d'individus apparentés (figure 6). Mais si cette explication est valable pour expliquer cette diversité sur le court terme, l'échange de boutures est un facteur d'homogénéisation sur le long terme.
En effet, si un génotype se retrouve fixé dans une ou plusieurs populations, l'échange de bouture devient un facteur d'homogénéisation variétale.
La diversité génétique rencontrée doit donc trouver sa source dans un autre phénomène. L'intégration des repousses, issues de reproduction sexuée est l'hypothèse la plus pertinente, d'autant que les enquêtes auprès des agriculteurs ont révélé que la pratique était courante, au moins chez certains cultivateurs (voir tableau 3, pour certains agriculteurs de Rewa).
Dans ce village, les repousses sont tout d'abord cultivées à part durant quelques cycles de culture, puis intégrées ou rejetées à l'issue de cette période d'essai. Une fois intégrés, ces individus issus de graines sont noyés avec les autres individus et les agriculteurs perdent le souvenir de leur origine. La figure 7 illustre les facteurs en jeu lors d'un cycle de culture. Les variétés peuvent être considérées comme des populations distinctes isolées sous l'action d'une forte sélection stabilisante pour les caractères de distinction (sélection humaine), et connectées via la reproduction (flux géniques possibles).
L'objet de cette étude est d'analyser la diversité génétique des repousses au regard de celle rencontrée chez les variétés.
· Quelle est la mesure de la structuration des variétés du villages sur la base de ce polymorphisme neutre?
· Qu'apporte l'intégration des repousses dans les variétés sur le plan génétique?
· Y a t'il une plus forte participation à la reproduction sexuée de certaines variétés?
Le matériel étudié est constitué de variétés locales de Manioc et de repousses provenant du village de Rewa, un village d'indiens Makushi du Guyana (Guyane anglaise), dans lequel est encore cultivé de manière traditionnelle. Se reporter à la figure 8 (carte du Guyana), pour une localisation précise de l'origine du matériel végétal utilisé.
Les études génétiques ont été réalisées à partir d'extractions d'ADN de feuilles.
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Ces variétés ont été définies d'après leur nom et un certain nombre de caractéristiques phénotypiques (comme leur pétiole, l'aspect et la couleur de leur feuille, hauteur...). Les variétés ont été échantillonnées de manière à représenter chacun des grands groupes concernant les caractères agronomiques, les variétés communes comme les variétés rares (détenues par quelques agriculteurs seulement).
Un total de 29 variétés ont pu être soumises à l'analyse des génotypes qui les constituent (sur la centaine de variétés du village). Pour chacune des variétés, dix individus ont été échantillonnés, chez des agriculteurs différents (8 agriculteurs ont accepté de participer à l'échantillonnage de leurs variétés).
Parmi les variétés retenues pour l'analyse génétique, certaines nous intéresseront plus particulièrement. Elles correspondent à des catégories particulières à priori:
· Les variétés 7 et 47 (et respectivement 48 et 54) sont morphologiquement très semblables et difficiles à différencier du point de vue morphologique. S'agit il réellement de variétés distinctes ou bien y a t'il confusion de la part des agriculteurs?
· A l'opposé, les variétés 4 et 45 montrent des phénotypes variés, qui pourraient bien cacher des génotypes différents.
· Les variétés 22 et 59 sont perçues par les agriculteurs comme deux entités à part entière, ayant des points communs ; leurs noms différent très légèrement. La seule différence morphologique les distinguant se trouve être leur taille.
Chez le Manioc, le champs est reconduit à partir de boutures prélevées sur des individus de la récolte précédente. Dans cette étude, nous entendrons par 'repousse' des individus issus de la germination de graines à l'occasion du défrichage d'un champs.
Les repousses analysées proviennent de deux champs différents ( 44 pour le " Champs de Nathan ", 39 pour le " champs de Mathilda "). Leur localisation dans chaque champs a été cartographiée (figures 9 et 10), ainsi que les informations concernant leur devenir. La proximité dans les champs de ces plantes laisse supposer un parent commun (la plante mère) pour les repousses proches. Cette supposition est confirmée si l'on regarde les génotypes de ces individus (annexe 2), mais aucune étude de parenté ne sera abordée ici.
Ainsi, dans le champs de Mathilda, les repousses qui seront réintégrées sont les repousses: 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 24, 26, 29, 31, 32, 34, 37, 38, 39. Les autres repousses seront abandonnées, mais les plus petites (trop jeunes lors de la récolte pour subir la sélection) bénéficieront d'une deuxième sélection tardive.
Dans le champs de Nathan, les repousses multipliées sont les suivantes: 11, 13, 15, 28, 29, 34, 36, 40, 41, 50, 102, 106, 107, 108, 109, 110 et 130. Les autres repousses (2, 4, 9, 19, 20, 30, 32, 46, 47, 100, 104) seront quant à elles éliminées.
Nous utiliserons ni et ai comme notations pour désigner le i-ème individu repousse, respectivement du champs de Nathan (n), ou du champs de Mathilda (a).
De même, les variétés sont désignées par un numéro, les individus de ces variétés par: n°-variétal_n°-individu (par exemple 17_23 représente l'individu 23 de la variété 17).
En outre, le génotype majoritaire dans une variété sera également nommé par le numéro variétal (par exemple 17), les génotypes minoritaires par ce même numéro suivant d'un " ' " (par exemple 17'), et les génotypes individuels par le code de l'individu (par exemple 17_23).
Les protocoles expérimentaux sont donnés dans en Annexe 1.
Les microsatellites utilisés pour cette étude ont été mis au point au CIAT et décrits en 1998 (Chavarriaga-Aguire et al). Ils n'ont pas encore été tous cartographiés, malgré l'existence de leur carte (Fregene et al, 1997). Les microsatellites choisis révèlent un seul locus, chaque individu montrant un ou deux allèle(s) pour chacun d'eux. D'éventuels résultats de cartographie viendront confirmer ce résultat. Les informations générales sur les microsatellites utilisés sont consignées dans le tableau 4.
<--La fréquences des allèles à chaque locus dans les variétés et les populations de repousses ont été calculée avec le logiciel BIOSYS (version 2 ; Swofford & Selander, BlackIV), les fréquences allèliques au niveau de la population globale ont été données par le logiciel F-STAT (version 1.2 ; J. Goudet).
Le test sur les proportions de Hardy-Weinberg a été réalisé à l'aide du logiciel GENEPOP (version 1.2, Raymond & Rousset, 1999), sur les deux populations de repousses. Les variétés n'ont pas été testées en raison du trop faible échantillonnage (10 individus) et de leur origine clonale (en terme de population - la dérive, via la 'sélection' humaine, détermine la sur-représentation de certains génotypes).
Structuration des populations
La différenciation génétique des populations a été abordée d'une part par les F-statistiques classiques (FST, FIS, et FIT) décrites initialement par Wright (1978), corrigées par Weir et Cockerham (1984) pour en tirer des estimateurs non biaisés et calculés grâce au logiciel FSTAT. D'autre part il a également été calculé des estimateurs qui tiennent compte de la distance hypothétique entre les allèles (ce qui est rendu possible avec les microsatellites dont on suppose que les différences de taille entre les allèles reflètent cette distance): rST, rIS et rIT (définis par Michalakis & Excoffier, 1996), intégrées au logiciel GENEPOP.
L'avantage de l'utilisation de FSTAT réside dans la réalisation de tests de significativité des valeurs calculées. Cette significativité des F-statistiques (sous l'hypothèse H0: FXX n'est pas significativement différente de la valeur 0) est obtenue ici après 15 000 permutations des allèles et des génotypes dans les données. Ces permutations et les calculs des estimateurs qui leur sont associées donnent une distribution des 'F-statistiques' qui permet en replaçant la valeur estimée obtenue de connaître la probabilité d'observer cette valeur par hasard.
Les valeurs de FIS sont testées en permutant les allèles dans chaque population. De ce test dépend celui sur les valeurs de FST: des valeurs de FIS significativement non nulles veulent dire que les allèles ne sont pas indépendants entre eux. Dans ce cas, le test des valeurs de FST ne doit pas se faire par la permutation des allèles entre les populations, mais par la permutation des génotypes.
Le test réalisé calcule donc la probabilité que la valeur estimée soit supérieure à zéro. Le test donne la probabilité inverse (FXX est inférieure à 0) en supposant que la distribution calculée par les permutations suit une distribution normale (centrée, réduite, d'après H0: " significativement différent de zéro "), et fait le calcul inverse: ( 1 - [prob que la valeur soit supérieure à 0] ).
Les distances utilisées pour cette étude sont:
· la distance génétique de Nei (1984).
· la distance géométrique de Cavalli-Sforza (Hillis, 1996).
Elles ont toutes deux été calculées sous BIOSYS (Swofford et Selander, 1997).
La distance de Nei est une distance génétique très utilisée. Elle permet de transformer les fréquences génétiques en distance entre populations. Elle est de la forme, pour l'allèle i de fréquences xi et yi dans les populations X et Y :
DN = -ln ( JXY / (JX ´ JY)½ )
(c'est à dire, l'inverse du logarithme de leur 'similarité')
où JX , JY et JXY sont les moyennes arithmétiques par locus de S xi2 , S yi2 et S (xi ´ yi), respectivement.
Il existe des estimateurs non biaisés pour calculer cette distance, par exemple pondérer la somme des 'homozygoties' comme suit:
S xi2 Þ (2nX S xi2 - 1) / (2nX - 1)
S yi2 Þ (2nY S yi2 - 1) / (2nY - 1)
où 2nj représente un échantillon de gènes de la population j (Nei, 1978).
Le principal défaut de cette distance est de ne pas respecter l'inégalité triangulaire (additivité des distances respectées). Elle est d'autre part très imprécise quand les populations n'ont pas suffisamment divergées et que leurs fréquences allèliques sont proches. De plus, des passages par des goulots d'étranglement augmente artificiellement la divergence des populations lorsque cette distance est utilisée (Hedrick, 1999).
La distance de Cavalli-Sforza est quant à elle une distance de type géométrique. Elle se formule de la manière suivante (Hillis et al, 1996):
Darc = [ (1 / L) S ( 2q / p )2 ]½ ,
où q = cos-1 S (JX ´ JY)½ .
La distance de Cavalli-Sforza est la moyenne sur chacun des locus de la distance algèbrique entre allèles sur un graphique (p,q) Î [0,1]. Corrigée de manière trigonométrique, elle réponds au critère de l'inégalité triangulaire. La proximité des populations sera ici d'autant plus grande que les fréquences des allèles au locus considéré seront proches.
Analyses statistiques
Le programme SAS (version 6.12) a été utilisé pour sortir une Analyse en Composantes Principales sur les données moléculaires, pour tenter de donner une vision de la proximité génétique des repousses et des variétés. La boucle qui a permis d'obtenir ce résultat est également disponible dans les annexes (annexe 4).
Des analyses de variance sur les données concernant les variétés ont été faites sur le logiciel SAS également, pour savoir si elles étaient distinctes sur ces caractères. Il a été testé leurs différences au niveau de la floraison et de la fructification, en vue de savoir s'il y avait un biais dans la participation à la reproduction. Sur la base de cette Anova, les variétés ont été classées par groupes de 'participation' à la reproduction selon la méthode de Duncan. Les groupes sont formés sur la base de la significativité de la différence entre les moyennes, avec un seuil de 5% (les données -nombre d'inflorescences, indice de fructification- donnent surtout une idée de la participation en tant que femelle). Les boucles SAS utilisées sont données en annexes (annexes 4 et 5).
<--Les résultats de génotypages présentés ici ne se basent que sur quatre locus polymorphes. L'extrapolation des ces résultats et les conclusions sont donc soumises à prudence et doivent être confirmées par des analyses complémentaires (locus supplémentaires).
Les fréquences allèliques de la population globale sont consignée dans le tableau 5.
D'une manière générale, les variétés ont un nombre moyen d'allèles par locus plutôt faible par rapport à la richesse totale en allèle mesurée dans son ensemble, malgré un nombre important de locus polymorphes lié à la fixation dans la population d'individus hétérozygotes (voir tableau 6).
<--Sur les cinq microsatellites testés, quatre ont montré une amplification avec le programme PCR utilisé (voir annexe 1), le dernier s'est révélé monomorphe dans la population (à l'exception de cinq individus, qui possèdent à l'état homozygote un allèle différent pour un seul motif microsatellite, peut être fixé par mutation somatique). Les tailles des allèles rencontrés dans la population sont consignées dans le tableau 7. Les autres locus se sont révélés polymorphes. Deux n'ont montré que trois allèles au total dans la population, deux autres ont montré une plus grande richesse allèlique avec respectivement sept et cinq allèles. Pour le locus GA21, il a été trouvé un allèle n'existant pas dans les accessions conservées au CIAT (il s'agit de l'allèle de 120 pb, qui se trouve de surcroît être un allèle 'diagnostique' dans notre population d'étude, puisqu'il ne se trouve que dans la variété 45).
L'ensemble des génotypes des individus est donné en annexe (annexe 2). Il apparaît déjà dans ce tableau des éléments de réponses concernant les cas particuliers étudiés:
Sur la base des marqueurs microsatellites, les populations 7 et 47 apparaissent assez distinctes, dans leurs compositions allèliques ainsi que dans leur composition génotypique. Les variétés 22 et 59, semblent légèrement différentes. Cela est nettement moins marqué pour les variétés 48 et 54 qui pourraient bien être peu différenciées. En revanche, les variétés 4 et 45, bien que présentant des phénotypes morphologiques variés, sont assez homogènes sur le plan moléculaire.
Le tableau 8 permet de comparer la richesse allèlique sur la base de l'indice de Nei (1987) (l'estimateur a été conservé pour permettre la comparaison des deux études, bien qu'il s'agisse d'un estimateur biaisé) entre la population des variétés du village et la core collection de Manioc. La core collection a un indice de diversité plus élevé en moyenne, pour chacun des locus, ce qui est un résultat attendu (la core collection a été établie pour rassembler le maximum de diversité).
Les F-statistiques présentées dans le tableau 9 sont calculées sur l'ensemble des variétés (estimateurs de Weir & Cockerham, 1984).
Les populations ont un excés en hétérozygotes, ce qui est confirmé par un Fis négatif. Ces variétés apparaissent également comme structurées (Fst = 0,274). On observe également que l'effet de structuration génétique des variétés compense globalement l'excès en hétérozygotes.
Sur la base de la permutation des allèles au sein des échantillons, le test des valeurs de FIS donne comme très significative la différence par rapport à zéro (encadré 2). On peut donc considérer, puisque le FIS est significativement différent de zéro (il y a 0,00007 % de chances de tomber par hasard sur cette valeur observée si le FIS est égal à zéro), que les allèles d'un individu ne sont pas indépendants.
Dans ce cas, le test du FST par permutation des allèles entre les populations proposé par le logiciel F-STAT n'est pas valable (voir matériel & méthodes). Il faut tester la permutation des génotypes parmi les populations (encadré 3).
Les populations sont donc structurées de manière extrèmement significative, puisque la probabilité d'obtenir de telles valeurs par l'effet du hasard sont inférieures à un pour dix mille (0,00007).
L'équilibre de Hardy-Weindberg a été testée avec GENEPOP, sous les hypothèses alternatives d'un excès/ d'un défaut d'hétérozygotes (H0 = la population est à l'équilibre). Sur l'ensemble des repousses, la probabilité associée à ce test est de 0,8389 ; la population des repousses peut donc raisonnablement être considérée comme suivant les proportions attendues en régime panmictique.
Si l'on réalise le test pour chacune des populations de repousses différentes, on obtient les probabilités associées de l'encadré 4.
Ce résultat montre que les deux populations n'observent pas d'écart significatif à la panmixie, au seuil de 5%. Il pointe néanmoins une inégalité constitutive de ces deux populations (qui pourrait être causé soit par les aléas liés aux conditions qui détermine la germination des graines, soit par les modes de plantation des variétés au sein du champs - plantation 'aléatoire' ou bien en 'patch de variétés'), puisque la population 'a' est proche du seuil de rejet.
L'encadré 5 donne un peu plus de détails sur les différences concernant ces populations (au niveau des locus). On observe à nouveau une différenciation entre les deux champs au niveau des repousses, et cette fois ci plus en détail (par locus). La population " n " montre d'ailleurs clairement un déficit en hétérozygotes pour le locus GA12.
Les rst ont été calculés sur l'ensemble de la population (variétés + repousses) (tableau 10)
Les statistiques r confirment les résultats obtenus avec les Fst: il existe dans la population d'étude un excès global en hétérozygote, dont les effets compensent le déficit lié à la structuration génétique de ces variétés.
Matrice de distances (à consulter en annexe 3).
Cet arbre donne l'éloignement des variétés en fonction de leur composition allèlique et en particulier des allèles qu'elles ne partagent pas avec les autres ( Jxy = 0 ; DH tends vers moins l'infini). La proximité entre variétés sur le graphique reflète alors la similarité de leur composition génétique.
La première remarque concerne les repousses : les deux populations ne sont pas à proximité immédiate sur l'arbre obtenu, ce qui souligne d'une autre manière les différences déjà observées. Les deux population restent cependant très proches.
On constate également qu'il y a une forte distance entre un groupe relativement homogène -qui court sur la figure de la variété 2 à la 25-, et dans lequel les distances entre branchements tournent autours de 0,25--0,30 ; et un autre groupe plus hétérogène composé trois sous ensembles -(variétés 41, 14, 26),(variété 39), (variétés 58, 112, 19)- génétiquement assez distants entre eux et avec le premier groupe.
Les variétés considérées comme morphologiquement identiques [7 et 47] sont effectivement très proches, mais d'autres variétés le sont avec elles sur la base des marqueurs. C'est un peu moins le cas des variétés [22 et 59], qui sont distantes d'environ 0,10 et cela viendrait justifier à posteriori la distinction qu'en font les agriculteurs, même si elles demeurent assez proche. Les variétés considérées comme morphologiquement identiques [48 et 54] sont en réalité assez divergentes sur la base des marqueurs (distance d'environ 0.27).
<--Les informations qui apparaissent sont différentes de celle apportées par les distances de Nei. La distance de Cavalli-Sforza est une distance géométrique (distance algèbrique sur un graphique (p,q) Î [0,1] ) corrigée de manière trigonométrique et répond au critère de l'inégalité triangulaire. La proximité des populations sera ici d'autant plus grande que les fréquences de l'allèle au locus considéré seront proches.
On constate d'abord que les deux populations de repousses sont immédiatement voisines dans l'arbre. Cela reflète leur proximité à la fois en terme de fréquences allèliques par rapports aux autres populations, que du nombre d'allèles qu'elles possèdent (richesse allèlique).
On remarque également que les distances entre les populations sont plus grandes. Ce phénomène s'explique par la forte structuration des variétés, qui ont parfois une faible richesse allèlique (voir tableau 6), et qui sont souvent constituée d'un sous ensemble de un ou deux allèles pour chaque locus.
Les grands groupes proposés avec l'arbre des distances de Nei sont toujours valables ; la seule différence concerne la variété 39 est apparaît désormais comme la variété la plus distante des autres variétés. Les remaniements s'opèrent surtout au niveau des variétés qui étaient le plus proches avec les distances de Nei, notamment les repousses, les variétés 6 et 8, qui s'enracinent différemment dans le nouvel arbre, les autres groupements étant conservés. Ces modifications sont le fait du plus grand poids des fréquences allèliques, et seront discutées plus loin.
<--L'analyse a été menée sur les données moléculaires. L'idéal aurait été de pouvoir réaliser une ACP sur la base des caractères morphologiques, pour pouvoir comparer la ressemblance morphologique (notamment celle des repousses réintégrées dans le champs) avec la proximité génétique (qui est celle que l'on mène ici). Les axes principaux expliquent le système de la manière assez faible ( 15 % de variance pour l'axe 1 et 70 % de la variance totale expliquée par le cumul des huits premiers axes) (tableau 11a).
Comme l'étude a porté sur des locus indépendants (Chavarriaga-Aguirre et al, 1998), chaque axe principal explique une valeur de la variance totale non négligeable. Les représentations de cette ACP ne prennent en compte que les deux axes principaux, il faut donc garder en mémoire que la dispersion visualisée ne représente qu'approximatvement 30 % de la variation du système étudié. Néanmoins, les graphiques faisant intervenir l'axe 1 et successivement les autres axes n'ont pas modifié de manière importante la dispersion globale du nuage de points, seules quelques variations très localisées sont intervenues. On considèrera donc que des individus proches dans les graphiques donnés (axe1 ´ axe 2), sont effectivement génétiquement proche.
Le résultat primaire (tous les individus sont présents) est donné par la figure 13. Seuls les points périphériques ont été nommés, pour une question de lisibilité. Ces points donnent le nom des repousses et des variétés les plus génétiquement distinctes du reste de la population.
On voit déjà apparaître des résultats qui vont être confirmés par la deuxième ACP:
· certaines variétés sont génétiquement très proches (coordonnées identiques, comme la variété 41 et la variété 21 ; la variété 45 et la variété 20).
· certaines variétés sont constituées de génotypes très éloignés (comme la variété 58, ainsi que le témoignes ses génotypes minoritaires caractérisés par 58').
· chez certaines variétés, un individu se démarque très nettement des autres (une ancienne repousse intégrée dans une variété?), comme la variété 112 et l'individu 112_10.
· certaines variétés ont les mêmes coordonnées que des individus démarqués d'autres variétés (47' et 48_4 par exemple, ou bien 2 et 4_20).
· certaines repousses sont très proches des variétés: n106 et 24
Pour pouvoir étudier le résultat sur le reste de la population, ces individus ont été suprimés pour lancer une deuxième ACP. La variance expliquée par cette deuxième ACP reste tout aussi faible (tableau 11b).
Les observations appréciées précédemment se sont confirmées (figure 14):
· variétés sont génétiquement très proches [21' et 45], [6 et 49'], [49 et 45'], [59 et 4']
· variétés sont constituées de génotypes très éloignés [7, 7_21, 7_27], [58...], [8...]
· variétés pour lesquelles un individu se démarque très nettement des autres [35 et 35_20]
· certaines repousses sont très proches des variétés [8' et n9], [23' et n27, n130], [47' et a3]
· variétés ayant les mêmes coordonnées que des individus démarqués d'autres variétés [49 et 6_26], [4 et 7_22, 22_21]
Le cas des variétés 6 et 49 est intéressant: d'un côté on trouve la variété 6 partageant sa position avec le génotype minoritaire de la variété 49, de l'autre, c'est le génotype majoritairement rencontré chez la variété 49 qui partage cette propriété avec l'individu 6_26. On peut considérer que les deux variétés sont peut être 'victimes' d'une confusion par les agriculteurs.
Des données sur l'intégration des repousses au sein des variétés auraient pu nous permettre de voir si cela permet d'enrichir le pool génétique d'une variété (sur la base des marqueurs moléculaires). Néanmoins la présence d'individus démarqués génétiquement de sa variété est un argument qui va dans ce sens.
De surcroît, on connaît les plantes issues de graines qui seront mise en test de culture la saison suivante. Parmi celles ci, certaines coïncident au niveau de leurs coordonnées, avec certaines variétés, comme par exemple a12 et 54', n130 et 23', a21 et 40... Mais pour les autres, ils s'agit souvent de plantes relativement isolées des variétés existantes: n130, a22, a9, n29, n 107, a29... Il arrive même que des repousses partageant leurs coordonnées subissent des choix différents chez un agriculteur: n106 choisi au détriment de n104 ou n105, ou chez deux agriculteurs différents (a26 choisie par Mathilda et n100 délaissée par Nathan ; et réciproquement n11 bouturé chez Nathan et a6 abandonnée par Mathilda). Cela peut être dû au choix du meilleur plant entre individus apparentés (n104, n105 et n106), ou tout simplement aux aléas du milieu et de l'histoire de la plante. Il n'est pas impossible que cela soit également responsable d'une variation supplémentaire liée à l'agriculteur (disposition des variétés dans le champs, goût pour expérimenter les repousses, et ce choix des repousses expérimentées...).
Le Manioc étant essentiellement bouturé, au cours des cycles de culture, il n'est pas nécessaire à la plante de recourir à la reproduction sexuée. De ce fait, la capacité de floraison et de fructification est moins soumise à contraintes. De plus, il s'agit de caractères déjà très variables dans la nature, on peut donc supposer une participation inégale des variétés cultivées à la banque de graines du sol, ce qui est susceptible de modifier les fréquences des allèles dans les variétés " futures ".
L'Anova lancée sur deux caractères de reproduction sexuée (essentiellement sous forme de parent 'femelle') ont détecté des différences significatives (encadré 5), puisque la probabilité que les moyennes soient identiques et les différences entre valeurs observées soient dues au hasard est inférieure à un pour dix mille (F = 0,0001).
On peut noter que le caractère doit être soumis à fortes fluctuations environnementales ainsi que temporelles. Cette instabilité de la 'participation' à la reproduction sexuée n'empêche pas ce phénomène " d'inégalité variétale ", même si elle doit en diminuer le risque de perte d'allèles.
Sur la base de cette Anova, les variétés ont été classée par groupes de participation pour chacun des deux carctères. Les variétés dont les moyennes étaient les plus grandes pour cette observation sont classées selon la méthode de regroupement de Duncan (figures 15a et 15b, figures partielles des regroupements).
Si l'ordre et la composition en variétés sont modifiés sur les deux figures, on peut cependant souligner que parmi les dix premières variétés de chaque caractère, on retrouve six variétés: les variétés 17, 40, 47, 119, 123, 130.
Si l'on regarde maintenant les génotypes pour les locus ayant des allèles rares (GA131 et GA21) des variétés 7 et 47, toutes deux bien classées dans les tableaux de participation à la reproduction sexuée, on constate qu'elles possèdent les allèles les plus fréquents de la population (tableau 12).
Les différences en terme de participation à la reproduction sexuée sont donc susceptibles d'influer sur la composition en allèles et leur fréquence à la génération suivante.
<--Cette étude des variétés du village de Rewa a confirmé leur forte structuration via les marqueurs microsatellites. Globalement, cet effet de structuration est compensée par un excès en hétérozygotes au sein des variétés. Cet excès est très marqué, puisqu'en général, la majorité des individus est hétérozygote pour au moins deux des quatre locus polymorphes étudiés (les exceptions sont imputables à l'influence de la dérive liée au bouturage). Les populations de repousses semblent moins concernées et possèdent une grande proportion d'individus très 'homozygotes' (pour trois des quatre locus polymorphes étudiés, voir individus totalement homozygotes), ce qui n'est pas observé avec les variétés (se reporter au tableau des génotypes en p.4 de l'annexe). L'excès en hétérozygotes dans les variétés peut trouver plusieurs explications, comme le phénomène d'hétérosis ou d'auto-incompatibilités.
L'observation d'individus homozygotes chez les repousses laisse supposer que le phénomène n'est pas dû à une éventuelle auto-incompatibilité, mais bien plutôt à un phénomène d'hétérosis. Cela pousserait les agriculteurs à sélectionner des individus 'hétérozygotes' ayant une plus grande vigueur. On remarque que cette hypothèse ne semble pas intervenir au niveau du choix des repousses qui seront bouturées et expérimentées par l'agriculteur, puisqu'on retrouve des individus très 'homozygotes' parmi ces plantes (a24, a26 et a29 ; n102 ou n130 par exemple, voire surtout n34 et n36 qui sont totalement homozygotes). Pourtant, au niveau des variétés, il semble que l'hétérozygotie soit un phénomène sélectionné. Ce résultat est de plus observé par ailleurs, dans une étude où les variétés cultivées de Manioc étaient bien plus 'hétérozygotes' que les espèces sauvages apparentées (Olsen & Schaal, 1999).
Les données obtenues tendent également à montrer l'existence de groupes de proximité génétique, avec en particulier des variétés proches au regard des distances utilisées. Cette proximité montre des liens avec l'échange de gènes au cours de la reproduction sexuée: si l'on prend en compte les vingt premières variétés des regroupements par la méthodes de Duncan (les figures du mémoire ne donnent que les 15 premières), on retrouve les variétés du grand groupe de proximité sur l'arbre de Cavalli-Sforza (notamment les variétés 57, 4, 7, 47, 8, 48).A l'inverse, certaines variétés peuvent ne participer que très occasionnellement à la reproduction sexuée, et ne peuvent être reproduites par bouturage. Ce doit être le cas de la variété 112, qui est une plante non ramifiée, et supposée végétative (la présence d'un génotype distinct dans l'échantillon analysé laisse tout de même entrevoir une éventuelle possibilité de multiplication sexuée). Un argument qui va dans ce sens concerne les allèles rares. A moins d'une apparition récente dans la population (et dans ce cas le nombre de répétitions du microsatellite est proche de celui de l'allèle parent), ces allèles ne doivent être présents que dans les variétés se reproduisant peu. Or c'est le cas de la variété 112, qui possède un allèle diagnostique (allèle '120' pour GA21).
Ce mode cultural, qui procède constamment à la réintégration de plantes issues de graine, est aussi un système qui permet le maintien de la reproduction sexuée. La reconduite du champs par voie strictement végétative aboutit en effet le plus souvent à la perte de la possibilité de reproduction sexuée chez les plantes (phénomène observé chez la Pomme de terre ou la Canne à sucre par exemple). Les agriculteurs Makushi bénéficient donc de la " clonalité temporaire " du Manioc.
L'intégration des repousses au sein des variétés est également une pratique agricole qui augmente la variabilité génétique intravariétale. Nous avons vu que certaines variétés regroupent des génotypes distincts éparpillés sur les Anova, ainsi que les repousses choisies à l'essais de culture qui se distinguent nettement des variétés cultivées sur la base de leur génotype. Le choix d'intégrer une repousse intéressante dans une variété s'effectue bien entendu sur une base morphologique. Mais chez les Makushi, le choix des variétés mises à l'essai se base essentiellement sur la productivité ou sur la couleur du tubercule (avec une recherche des plantes avec un tubercule de couleur jaune prononcée). Cette gestion des variétés est un bel exemple de gestion dynamique des ressources génétiques susceptible de maintenir une diversité génétique appréciable.
<--
Cette étude a montré que les variétés villageoise étaient bien structurées, et que l'hétérozygotie était avantagée, probablement liée à un effet d'hétérosis.
L'intégration de repousses issues de reproduction sexuée augmente la variabilité génétique au sein des variétés sans remettre en cause de manière fondamentale cette structuration, due à la sur-représentation d'individus multipliés par bouturage. L'intégration de repousses au sein d'un cultivar est une pratique qui a pour conséquence l'enrichissement du sous-pool génique que constitue la variété et est un schéma efficace de gestion dynamique des ressources génétiques.
En outre, toutes les variétés d'un champs peuvent participer à la reproduction sexuée, mais il existe un biais en faveur des variétés les plus florifères et qui conduisent la fructification à terme. Ce phénomène est peut être aussi important en ce qui concerne la diversité génétique que l'effet de dérive associée au choix des individus qui serviront à fournir les boutures de la plantation suivante.
Les questions qui émergent de ce travail peuvent être regroupées en plusieurs thèmes:
· Concernant le système cultural de Rewa:
Un secteur d'intérêt est l'élucidation des paramètres manquants, à savoir:
- les questions sur la physiologie de la graine (conservation dans le sol, facteurs déclenchant la germination...),
- les effets de la structuration des champs (disposition des variétés) sur celle des repousses,
Ainsi que le suivi des repousses mises " à l'essais ".
· Concernant le Manioc lui même:
- Il faudrait tester plus précisément l'effet d'hétérosis supposé,
-et la biologie de la reproduction (phénomène d'incompatibilité? aptitude à la combinaison?...).
· Sur le rôle de l'incorporation des repousses parmi les variétés:
- Il serait intéressant à titre de comparaison, de pouvoir étudier l'évolution de la diversité génétique des variétés dans un système cultural (traditionnel ou récent) où les repousses ne sont pas réintégrées,
- ainsi que les conséquences sur la capacité à fleurir des variétés.
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