Carnets Naturalistes

Californie


American River

Ecureuil
Il ne faudrait pas croire que les seules tropiques peuvent piquer la curiosité des naturalistes en herbe. Les régions tempérées offrent des charmes inespérés, quelquechose errant entre la ressemblance et le dissemblable, la disparité disparue de l'habitude. Des vallons forestiers, des déserts rocailleux, des montagnes ventripotentes, des côtes déchirées, la neige, le vent, la brume, beaucoup de tout un tas d'ingrédients pour réinventer la diversité.


Poisson long et effilé

"Araignée d'eau"

Par exemple, des écureils gavés d'arachide et très exigeants. Pour les voir, il suffira de se poster à d'une poubelle. Le spectacle de la nature est toujours touchant ;-) Dans les estuaires envasés, derrière les touffes de joncs divers, on peut chercher plus fin, plus discret (énormément plus discret), comme ces espèces de poissons délicats et craintifs. Ou encore de paisibles araignées d'eau, si l'on remonte le cours de l'eau...


Papillon

Papillon

Voici venir ce papillon... Il s'envole à mon approche mais revient inlassablement vers son plus grand trèsor : cet excrément de petit carnassier si riche en minéraux, et si agréable avec cette odeur suave... Il lui importe tant de conserver cette aubaine miraculeuse et fraîche qu'il y consacrerait presque toute son énergie, dans la chaleur sèche du côteau, dans le vent grippé de la fin du printemps. En voici un autre non moins charmant. Qand il déploît ses ailes au soleil pour en puiser la chaleur, on dirait deux petits yeux qui vous regarde.


Biche embusquée

Lac Tahoe

Deux autres grands yeux aussi charmants : ceux d'une biche sans quiétude, son regard jeté rapidement derrière le dos pour vérifier la distance au danger, son urgence. La fuite sans cesse renouvelée. On lit toujours dans les vallons, dans les sous-bois, dans les montagnes, ces petits signes laissés à votre attention, ces retraites hâtives et leur trace, les repas abandonnés, les glissements furtifs dans la litière de feuilles, le galop sourd des cerfs ou la fuite éclair des lièvres...


Mouette grise

Grenouillette

Etirée du Nord au Sud et se vrillant comme un vrai Liseron, la côte se déchire sous le Pacifique en ployant de toute sa lourdeur continentale. Y surgissent les mille facettes qui cernent les joyaux impériaux, falaises dégradant les games de couleur les plus extravagantes, s'effritant et semant des rocs gigantesques dans le vaste champs marin, des plus fines criques estuviales aux plus larges plages dunaires et lunaires et lumières. Et tout ce qui va avec, les mares fourmillantes, les marées files-mourrantes, les coques, les mollusques, les poissons, les mouettes... Celle ci m'a semblé particulièrement élégante, le bec rouge et drapée de noir. Le genre de divinité discrète mais criarde, arrogante, par trop sociable mais sans crainte du quand-volera-t-on... Ca contrastera avec ce petit bout d'amphibien, reclu dans son coin de montagne, et toujours à vue d'eau, son eau, son petit ruisseau cool.

<--

Toile...

Geai bleu

Les ruisseaux et les rivières, j'y reviens toujours, mais c'est assez facile à comprendre, c'est sous couvert de forêt et sur tapis de mousse qu'une musique limpide est la plus rafraîchissante, et qu'on n'est jamais seul à penser la même chose, par exemple les araignées... Ou encore tout plein de choses plus insensées, cette sorte de geai bleuissant assoiffé...


Fougère des prairies

Mousse sur liane

Et quand la sente s'échappe en clairières auréolées de bosquets, on trouve à la fois le foisonnement des herbacées de prairie et l'humilité végétale des bois. Sous le poids des graminées se dissimule encore quelque plante timide, du mouron, des lamiers, des petites fougères recroquevillées dans un zest de rosée faiblissant. C'est également dans ces clairières parsemées, à cette époque de floraison balbutiante que s'éveillent des papillons affamés prêt à sacrifier les élémentaires principes de prudence dans leur quête au nectar, surtout sur la corolle d'une source bien garnie. L'orée plus ombrageuse se fait le repère des diptères agités qui glissant des frondes d'arbres reluisants de transpiration se décident à rester au sol quelques instants. On y trouve aussi plus loin sous le couvert, des lianes vieillissantes traînant entrelacées aux branches et flanquées de guenilles en mousse vertes et spongieuses abritant parfois divers petits coléoptères amusants.


Fleur d'Iris

Fleur d'Iris

Mais il n'y a pas à dire, ce n'est pas parce que l'on se penche vers plus petit que soit qu'il n'y a pas non plus de chance de rencontrer des beautés un peu plus grandes, délicatement exposées en pleine lumière. Il y a donc aussi souvent ces fleurs éclatantes qu'on voit ici des deux côtés. Et là vous me pardonnerez bien de n'avoir rien à ajouter...



Pavot de Californie

Fleur Moderne

Euh, là non plus...


<--

Sutter buttes

Papillon

C'est donc en reprenant la route, qu'ici, on renouvèle encore les brins d'herbe de chaque côtés du goudron, vu que -faut il le rappeler-, la Californie est quelque chose de long, d'étiré, de très vaste. Mais l'horizon a son penchant d'ivresse : c'est également dans la course et le changement que la soif de diversité reprends son dû. Le papillon à la source, la source au papillon...


Rat d'eau

Champignon

La source à la rivière encore, et d'autres habitants : ce rat musqué, sinon musclé en tout cas, faisant son cent mètre nage libre en un temps record, avant de disparaître pour une course souterraine où il ne vaut mieux pas être claustrophobe. Des hérons et des aigrettes, des martins pêcheurs parfois, toute une ribambelle d'espèces de canards, voire même des qui ressemblent à celui qui barbotait dans mon bain.


Papillon

Papillon

Et pour continuer, toujours des papillons (il était trop tard pour les chenilles). Si vous n'êtes pas allés trop loin, vous avez peut être encore dans les yeux ces deux taches oranges (un peu plus haut). Ce doit être une version de ce subterfuge répandu qui consiste à pouvoir semer les prédateurs qui se fixent sur cette image hypnotique lorsque le fuyard se pose et replie les ailes. Dans un tout autre style, ce papilionide 'flambé', qui n'a peut être rien à craindre -excepté les entomologistes-, sinon à s'en sortir exclusivement à la force des ailes.


Bigorneaux

Coccinelles

Mais pour rester dans l'éloge de la fuite, autant signaler des alternatives plus paresseuses mais ô combien efficaces : - La coquille des bigorneaux... Vous ne croyez pas ? Essayez donc un peu voir : même si vous parvenez à les en déloger, vous ne serez jamais efficace au point de représenter le moindre risque pour l'espèce... :-) - La coccinelle... Bon d'accord, il ne vous viendrait peut être pas à l'esprit de déguster une coccinelle, mais dites vous bien que vous n'êtes pas seuls sur terre et qu'il y en a bien des moins exigents que vous. Alors du haut de ses six pattes, c'était bien son affaire... Du coup elle se transforme en baril de produits toxiques et c'est désormais de toute façon une mauvaise idée pour celui qui a faim...

<--
Copyright © Laurent Penet 2006.