En voici sans indiscrétion quelques fragments naturalistes, car bien sûr une fois de plus (grand sourire) la magie s'opère... Bien sûr encore, elle apparait tout d'abord bien terne, d'un tropical classique qui ne saurait ravir que les amateurs du cliché du paradis perdu : les cocotiers, les hibiscus, les fleurs et fruits, luxuriants mais trop communs.
Peu à peu cependant, cette sensation s'estompe ; c'est qu'il y a derrière cette apparente banalité les timides, toutes ces plantes, toutes ces bêtes toutes bêtes, qui lui font prendre son visage propre. D'un jour à l'autre, cette beauté sienne transparaît brutalement.
Elle prends visage même au travers des plus simples. Le nono par exemple, cet arbuste indigène produisant un fruit du même nom, très utilisé dans la pharmacopée traditionnelle... Le remède est simple : il consiste à avaler une cuillère de son jus fermenté pendant quelques jours (je vous passe les médications plus complexes). Et il paraît que l'huile de foie de morue a mauvais goût... Les vertus anti-bactériennes et larvicides de cette préparation commencent à être étudiées.
L'arbre à pain, qu'on appelle ici urù, est également très intéressant : bien qu'on le rencontre aujourd'hui fréquemment ailleurs sous les tropiques, son centre d'origine et donc de diversité est bien le Pacifique. On en voit ainsi encore de nombreuses variétés, différent par la taille, la forme du fruit, sa période de fructification, son goût. Il semble également qu'en dépit de sa multiplication principalement faîte par voie végétative (marcottage de drageons à partir de racines du pied mère), certaines variétés aient conservées l'aptitude à faire des graines, qu'il arrive de rencontrer dans le fruit et qui l'enrichissent d'un doux arôme de châtaigne à la cuisson.
Voici ensuite deux facons d'envisager de briller : un pyjama à poids blancs surmonté de deux paires d'ailes perlées, comme ce papillon concentré à boire le miellat suintant du duvet d'une herbe à l'odeur de mélisse.
L'autre, c'est cette lèvre bleue surmontée d'argent, celle d'un bénitier sagement occupé à filtrer le lagon des déchets dont il s'emplit. Mais il en existe des teintes intensément brunes et pailletées de velour noir, d'autres violettes ou doucement rosées. Et si l'on n'en fait pas des manteaux, c'est parce que la marque était déjà déposée par l'église. Mais il est vrai que les peaux colorées des bénitiers sont puissament empreintes d'une élégance toute particulière.
C'est dans un volteface que je reviens vous parler des paysages, qui sauront vraisemblablement satisfaire vos attentes... Voici une vue des pentes des sentes de l'Aorai. Le brouillard cache tout, c'est justement pour cela que j'ai pu prendre la photo, parce qu'il y a le vertige, ce mauvais sort agacant. Juste un peu à gauche, un plant d'Auti, dont les feuilles servent à réaliser de magnifiques couronnes.
Et à gauche, l'une des trois cascades de Tiarei, sertie dans sa gaîne resplendissante de verdure. Les cascades sont extrèmement communes sur l'île de Tahiti et chacune a son identité propre, sur une note de fraîcheur commune...
C'est ici et jusque dans les ruisseaux, que dans les coins paisibles où l'eau s'écoule lentement, sous les nénuphars ou sur les racines filamenteuses des Tarùa que s'ébattent les chevrettes, ces crevettes tropicales d'eau douce adoptant différentes morphologies et couleurs suivant le degré de dominance sur ses congénères. On peut également facilement voir des anguilles, qui y sont des animaux sacrés, et qui se tortillent jusqu'au creux des caniveaux inondés.
Voici maintenant quelques grandes figures de la faune terrestre de Polynésie :
- Le crabe de cocotier, animal très pudique et fort peu enclin à la conversation, et qui en plus s'amuse à vider
intégralement les noix de coco tombées à terre.
- Le "Cent-Pieds", ou viri, scolopendre à la morsure très douloureuse, ayant pour habitude d'aller se planquer dans le
linge qui sèche, ou encore dans les noix de coco trouées et dévorées par les crabes.
Mais j'y ai également vu des araignées qu'on aurait dit 'sociales', en tout cas grégaires. Des épeires solidarisant leurs toiles respectives à la leur propre. Le réseau ainsi couvert semble en tout cas être plus important et couvrir une surface plus large, peut être y attraper des insectes plus gros.
Ci contre, une goyave mûrissante sur laquelle trône une punaise épineuse. Mais les petites bêtes ne mangent jamais les grosses, enfin bon... Passons.
Il arrive justement que les haies de goyaviers bordent les parcelles cultivées ou les champs de tubercules (maniocs, patates douces ou taros). Voici donc un champs de taro, Colocasia esculenta de son joli nom. C'est un tubercule qui tire également son origine du Pacifique, et il en existe de multiples variétés diverses et parfois très douces au palais.
Rien ne vaut la douceur magique des sous-bois, cette semi-pénombre où se courbent délicatement bercées par la brise cassée d'innombrables plantes, arbustes et lianes... Les arbres s'y enchevètrent également, mêlant leurs racines renforcées et canalisant les ruisseaux chargés de feuilles mortes.
C'est un refuge qui accueille toute une faune, des bernards l'hermites solitaires aux papillons égarés, en passant par les oiseaux les plus mystérieux, s'enfuyant à la moindre alerte. La merveilleuse tourterelle verte de Tahiti fait partie du lot. C'est un oiseau dont on ne peut reconnaitre la présence qu'en s'aidant de son chant, et ce parfois dés l'orée de la vallée, mais qu'on serait bien en peine d'apercevoir tant sa couleur métalique de feuille et sa discrétion sans précédent le rendent invisible. Il faut souvent une heure de marche et l'appuis d'un ami expérimenté pour espérer quelques secondes de bonheur en tête...
Plus haut sur le plateau, la forêt cède devant une brousse plus clairsemée, tapis de fougères tendres dont les feuilles
épuisées s'amoncèlent en une couche sèche, plus quelques arbustes chétifs.
C'est là que l'on peut voir s'ébattre sur quelque rare fleur des nuées de petits nymphalides cendrés et autres petits
Azurés gris turquoises.
Parfois, on entrera, en redescendant vers la côte, une forêt de bambous. L'ambiance y change alors brusquement : la lumière diminue et s'y décompose en fines lignes sur l'horizon des tiges, alors que les feuilles capitales s'illuminent à leur fronde.
L'arrivée sur le littoral s'exprime par un retour progressif des champs cultivés, des vergers à pleine maturité ; les anciens chemins abandonnés y sont encore parsemés à la file d'hibiscus rabougris et étiolés.
Les anciens champs familiaux sont le plus souvent plantés d'une grande diversité de productions variées en tubercules, piments, bananiers et papayers, certains sont cependant très nettement orientés pour la production pour le marché agricole et ne sont le plus souvent que des rangées d'ananas aux épines acérées.
Parfois, il sert à fournir le marché de la production de fleurs et dans ce cas on fait plus que le voir --un véritable
bouquet géant-- mais aussi le sentir, surtout s'il accueille en son sein quelques arbustes de Tiaré, fleur symbole de Tahiti.
Et le littoral s'ouvre ensuite sur le vaste lagon, mais il s'agit dès lors d'un tout autre monde...