Pour commencer, j'ouvre sur le paradoxe intime qui réside dans sa richesse culturelle incroyable, traditionnelle notamment, et que je crois voir représentée ci contre avec la mosquée de Bobo Dioulasso, et son effervescence moderne, notamment cinématographique, puisqu'il y existe une production extraordinaire, et que le pays possède même une place qui lui est dédiée (la place du 7ème art), ci à droite... Ceci dit juste avant de repartir illico sur la nature qu'on y trouve, y compris parce qu'elle y est aussi considérée différemment, et qu'elle vaut bien l'intérêt magique qu'on lui accorde.
Nerveusement à gauche s'agite un scolopendre rouge orangé qui ondule et ondule en suivant son train train, quotidien d'ailleurs. Cette charmante petite bestiole est apparemment complètement perdue. Mais tout ce qu'on lui demande, c'est de ne pas nous passer sur le corps pendant la nuit, histoire d'éviter d'avoir une traînée rouge irritée récapitulant son parcours nocturne. A droite, quelques plantes, parfois utilisée en médecine infantile pour curer les diarrhées. Et ça fait aussi des jolies fleurs, c'est merveilleux.
Egalement 4 perles d'entomologie. Une ravissante mante religieuse mâle, postée sur un buisson d'euphorbe et attendant patiemment sa pitance. Je l'aime beaucoup celle là. Surtout que je venais de passer quatre heures à parcourir la brousse sous un soleil de plomd et d'aplomb aussi, sans trouver le moindre insecte (il était apparemment encore trop tôt dans la saison des pluies). Alors la trouver là, paresseusement et à dix minutes de la maison...
<--Un peu plus tard dans la saison, lors des mêmes errances à travers champs, j'y trouvai l'autre : ce papillon de la famille des Lycénides, peut être même bien une Thecla. Au repos et les ailes ainsi dressées, on le dirait vêtu d'un manteau de fine neige, mais c'est peut être parce que c'est ce à quoi on aspire le plus à ce moment là. Et quand il les r-ouvre, il est d'un bleu éclatant, saupoudré de flocons et liséré de noir. Une petite merveille, mais si elle est effectivement toute petite...
Mais le plus fréquent, et pour taille et pour cause, répandu dans toute l'Afrique tropicale et excellent voilier, le Papilio demodocus, dont l'ombre plane sur toute fleur, en particulier celles des agrumes sur les plantes desquelles il pond ses œufs. De l'autre côté, encore une mante, femelle cette fois ci, se reposant sur une feuille de Manguier, et à l'ombre pour sa toilette.
Mais si le Burkina doit bien sa richesse en ce qui concerne les insectes, c'est surtout pour ses acridiens. La faune de criquets et de sauterelles y est très diversifiée, certaines sont étonnament habillées de couleurs vives étincelantes.
On les trouve un peu partout, ces acridiens, dans la savanne sèche, les champs de mil et sur les haies plus rares des champs de maniocs également assez peu répandus, aux véritables forêts d'acacias, et jusque dans les régions plus humides du Sud-Ouest.
Mais dans les marigots gonflés d'eau en saison humide, y compris les marigots citadins, c'est toute une floppée de libellules et de punaises aquatiques comme les nèpes, quelques scarabées nageurs --dytiques, gyrins-- d'une taille toujours impressionnante et des papillons s'abreuvant sur les rives, que l'on rencontre avec un grand plaisir et dans un lieu rafraîchissant.
Ailleurs il faut vadrouiller et chercher les rares plantes à fleur pour faire d'autres rencontres entomologiques.
<--Les euphorbes sont communes dans la brousse tout autours de Ouagadougou, mais elles sont assez peu visitées en dehors de quelques abeilles, parfois quelques grandes piérides s'y attardent quelques instants. Le mieux reste de trouver un arbuste de mimosa fleuri, de fleurs, de papillons. (Et d'abeilles aussi, malheureusement, toujours des abeilles et très agressives en plus celles là). Là, au prix de quelques piqûres payées à l'audace, il y a toujours un moyen de pouvoir y regarder s'ébattre de magnifiques lépidoptères colorés, colorés, colorés.
La marche est toujours pleine de surprises. On n'est jamais très rassuré à cause des serpents, mais c'est parfois sur une achatine qu'on échoit, et on la trouve là, sur le sol complètement sec, tirant doucement sa carapace et ressemblant à une langue assoiffée se traînant jusqu'au prochain coin d'eau.
La comparaison fait d'ailleurs tordre de rire les enfants qui viennent écouter les aventures du retour...
Les rencontres extraordinaires aussi, au cours de ces diverses pérégrinations à travers la campagne, ce sont les enfants... Toujours ravis de venir regarder et discuter avec le nassara (ou le toubabou) qui court aprés les papillons.
Un brin de curiosité ouverte qui permet souvent de d'apprendre où se cachent les plus belles choses, et ceci bien sûr, dans les deux sens, et au cours d'un dialogue jubilatoire...
Trés curieux souvenir que cette rencontre saugrenue avec ce crapaud. Mon sac posé à terre (horriblement sèche), le temps que
j'attrape quelque danaïde orangée, l'amphibien y trouva refuge.
Pourtant, il n'y avait que le sol de boue fendillée
alentours, et rien d'autre quelques minutes auparavant.
Le temps de le photographier, la yaaba ("grand mère") arrive et éclate d'un grand rire en imaginant la photo du
crapaud. Les nassara sont de plus en plus bizarres dans le coin...
Et ci contre un merveilleux criquet, évoquant les acridiens dont j'ai parlé plus haut.
Evidemment, je serai fort triste s'il n'y avait pas d'hôtes plus diversifiés, je veux dire de coléoptères bien sûr.
Alors voici une cétoine pantropicale, qui s'étends apparemment jusqu'en Afrique du Sud mais dont la couleur semble se dégrader du
brun au vert le long de cette transition géographique. On voit celle ci s'affairer sur une inflorescence de henné : fleurs
suaves visitées par une déesse zébrée d'ivoire.
Quant aux libellules, en voici une montant la garde sur la branche épineuse
d'un acacia du jardin botanique de Ouagadougou.
En réalité bien entendu, les coléoptères sont également légion. Non seulement diverses cétoines --certaines qu'il vaut mieux éviter de recevoir en plein figure quand on roule à mobylette--, mais beaucoup beaucoup de charançons et de ténébrionidés aux formes les plus variées, souvent très cryptiques vis à vis du sable de latérite, d'une ressemblance presque toujours parfaite...
Et les coins d'eau sont aussi très visités, non seulement par les scarabés aquatiques, mais par le bétail, et qui dit zébus dit bousiers. Un nombre faramineux de bousiers, espèces de tailles les plus variées, et directement exploitables à la source.
Et puis quelquefois on se retrouve l'essence végétale. Exemple : les baobabs. Baobabs, baobabs, baobabs, écrivait Michaux. Baobab ah cool! Majestueux...
On dit que le baobab de la place centrale de la ville de Zorgho porte les empreinte du cheval du Naba d'autrefois. Une armée, ennemie, de très bons guerriers menaçait la ville. Les soldats commençaient à se décourager, avant même la bataille. Alors le Naba pris son meilleur cheval, et se lança de tous feux dans la charge. Il fut si impressionnant de férocité dans le combat qu'il mît en déroute l'armée ennemie entière. Et dans son élan de retour, le cheval ne pût arrêter sa course et grimpa à la verticale sur le tronc du baobab, y laissant ses traces...
Pour terminer enfin, un endroit lui encore extraordinaire, les falaises de Banfora et ses cascades rugissantes. Les lieux dits commencent dans une cathédrale de manguiers centenaires, de vitraux faits d'or ensoleillé miroité par les feuilles dans la brise du vent. Un chemin serpente dans une forêt humide de grands arbres couverts de lianes étrangleuses, de Ficus enserrant leur support de leur racines assassines. Le long, des fougères fraîches et les graines qui germent délicatement. En haut, les cascades et leur souffle humide, et la possibilité d'embrasser la plaine d'un regard et de considérer l'immensité magique qui s'ouvre à nos yeux...
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